CG 92 : avantage immobilier ? |
Le conseil général des Hauts de Seine lui a vendu, avant son départ, une somptueuse villa dans le parc de la Malmaison pour un prix sacrifié. Avant de quitter, en mai dernier, la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine, le futur locataire de l'Elysée, Nicolas Sarkozy, était déjà manifestement très attaché à sa "France de propriétaires". Et il n'a pas oublié d'inviter au club l'une de ses connaissances. Son nom: Jean-Claude Laplanche, actuel directeur général de la SEM 92, la puissante socIété d'économie mixte qui gère les opérations immobilières du conseil général. A 68 ans, ce grand serviteur des Hauts-de-Seine présente d'excellentes références: il fut notamment, en 1997, l'une des chevilles ouvrières de la juteuse opération immobilière réalisée par Sarko à Neuilly, révélée par Le Canard. Au printemps 2008, Laplanche partira à la retraite, après quinze ans de bons et loyaux services, dans des conditions confortables. Alors que Sarko était encore aux manettes des Hauts-de-Seine, ce haut fonctionnaire méritant a en effet conclu une affaire immobilière qui force le respect: se faire céder par le conseil général, à un prix défiant toute concurrence, une sympathique propriété départementale qu'il occupait au titre de logement de fonction! Ladite propriété, sise à Rueil-Malmaison, n'est pas franchement une cabane. Il s'agit d'une villa cossue de plus de 300 m², entourée de 2 500 m² de jardin. Le tout niché au cur d'un magnifique parc boisé, celui des anciens jardins du château de la Malmaison, jadis résidence de Napoléon et de Joséphine, rien que ça. Ce très chic parc privé est situé dans le périmètre de protection des Monuments historiques. Derrière ses hautes grilles, il abrite une centaine de demeures bourgeoises, avec de longues allées, un gardien et tout le tintouin. Bref, un petit paradis En 2006, Laplanche, logé gratuitement dans cette propriété par la SEM 92, manifeste le désir de l'acheter. Le principe de cette vente est aussitôt approuvé par Sarko. Et, dans la foulée, le conseil général sollicite le service des Domaines des Hauts-de-Seine pour en fixer le prix. C'est là que la plaisanterie commence Le 14 février, les Domaines tombent sous le charme de cette villa. Leur avis, que Le Canard a consulté, décrit une maison située dans un vaste parc paysager, dont l'accès se fait par un petit chemin, "locaux en très bon état, avec sept pièces au rez-de-chaussée dont un salon· salle à manger de grande hauteur, deux salles de bains" etc., ainsi qu "'un salon bureau" à l'étage. Surface habitable: 268 m². Et 335 m² avec les combles aménageables. Plutôt luxueux. Pourtant, les Domaines n'estiment cette demeure qu'à 1,2 million d'euros! Traduction: selon le métrage retenu par ces experts, elle vaut entre 3 582 et 4 477 euros le mètre carré Les agents des Domaines sont des fonctionnaires du ministère des Finances indépendants des collectivités locales. Qui oserait en douter... Mais leur estimation reste un grand mystère pour les professionnels de l'immobilier du coin. La somme de 1,2 million, certes rondelette, se situe en effet très au-dessous des prix du marché pratiqués dans le voisinage. Dans le parc de la Malmaison, le quartier le plus coté de la ville, la moindre baraque se négocie entre 6 300 et 8 300 euros le mètre carré, voire plus. "Pour 4 000 euros, vous avez plutôt un appartement bas de gamme, sans ascenseur et à côté de la gare de Rueil !", se marre un agent immobilier de Rueil. Rigolade d'une de ses collègues, preuves à l'appui: "A la Malmaison, pour 1,2 million, aujourd'hui, vous vendez une bicoque de 150 m'avec 500 m² de terrain !" D'ailleurs, une maison de 300 m² sur 2 500 m² de terrain est actuellement en vente dans le parc pour 1,9 million. Une villa voisine, à peine plus grande (350 m²), est proposée au prix de 2,2 millions. Et encore, cette propriété (contrairement à celle du sieur Laplanche) donne sur un boulevard très bruyant et doit être entièrement retapée. Bref, le logis du patron de la SEM 92, à l'abri des regards indiscrets et loin du bruit de la vine, aurait dû se négocier entre 1,9 et 2,2 millions, soit 37 à 45 % plus cher En janvier 2007, pourtant. les Domaines livrent, à nouveau sans rire, la même estimation de 1,2 million. Laplanche et le cabinet de Sarko tombent d'accord sur ce prix, mais, curieusement, la vente est retardée. Précision de taille: au même moment, Sarko est en campagne présidentielle et Le Canard , enquête sur son duplex de Neuilly. Autant dire que la période n'est pas vraiment propice pour faire approuver l'opération Laplanche par le conseil général... Le vote est donc reporté à l'après-présidentielle. Mais pas de panique : des garanties par écrit sont données à Laplanche. Dans une lettre du 5 février 2007, Erard Corbin de Mangoux, patron des services du conseil général et futur conseiller de l'Elysée, assure ainsi au directeur de la SEM 92 que l'affaire se fera ...o à la fin du premier semestre ". Donc après l'entrée de Sarko à l'Elysée Son successeur à la tête du conseil général, P. Devedjian, hérite de la patate chaude. Et dès la première réunion des élus, le 29 juin, il fait entériner la vente de la propriété. La délibération mentionne alors que. le Département n'a pas l'utilité de ce pavillon" et oublie au passage d'en indiquer la surface et la situation exceptionnelle. A l'époque, seul l'élu Vert Vincent GAZEILLES s'étonne un peu de cette cession. Réaction laconique de Devedjian en séance : "C'est vendu au prix du marché. Il n'y a pas d'autres observations !" Circulez, y a rien à voir. Le 31 août. au cur de l'été, la vente est signée devant notaire à Levallois-Perret. Et Laplanche paie "comptant" Aujourd'hui, Devedjian, un peu gêné, confesse au Canard qu'il a un brin hésité. Celui qui a du honorer la promesse de son prédécesseur lâche: "J'ai fait voter une décision qui était déjà prise qui était pris antérieurement même si cela m'a paru pas cher" qui, on l'espère, rappellera à Sarko l'impérieuse nécessité de lancer au plus vite un Grenelle de l'immobilier Christophe NOBILI, Le Canard Enchaîné Précision : Vincent Gazeilles, conseiller général Verts, a fait plus que "s'étonner un peu" et voté contre et fut d'ailleurs le seul (délibération n° 07 243 du CG92). |
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