HIER à 13h50, personne n'avait vraiment le cur à
rire sur l'Ile Marante à Colombes. Sous la toile du chapiteau
de la Bodega, le restaurant de Bernard Laporte, l'entraîneur national
de rugby, qui vient de s'installer sur le site après avoir quitté
l'Ile de Monsieur à Sèvres en début d'année,
l'ambiance parmi les invités était plutôt à
la consternation. Dix minutes plus tôt, Patrick Abada, le directeur
de cabinet de Nicole Gouéta, en charge du dossier JO à
Colombes, était encore plein d'optimisme : "Ici le plancher
est en bois. Nous touchons du bois pour que bientôt Paris devienne
ville olympique pour le deuxième fois."
"Il faut être fair-play"
C'était sans compter sans 54 membres du CIO qui en avaient décidé
autrement. A l'heure fatidique, la voix de Jacques Rogge, le président
du Comité international olympique, plombe définitivement
l'ambiance un peu mollassonne : "London". Sous les pieds des
convives, le plancher - bois ou pas - s'effondre. Patrick Abada s'assoit,
le regard hébété. Il reste seul de longues minutes.
"On avait toutes les chances pour gagner. On était tout
près du but. La déception est énorme. Les Anglais
bénéficiaient d'un budget plus important que le nôtre
et sont les spécialistes du lobbying. Mais Londres est en Europe
et nous devons rester prêts pour cette échéance.
Nous avons les infrastructures ferroviaires et la France sera une base
arrière pour de nombreux pays. S'il y a bien une ville qui a
gagné quelque chose aujourd'hui, c'est Colombes, qui a retrouvé
ses lettres de noblesse. La rénovation du stade Yves du Manoir
reste l'une des priorités de Nicolas Sarkozy."
Nicole Gouéta, la maire UMP de Colombes, encaisse le coup et
conserve son sourire : "Paris avait un très bon dossier
et nous avions toutes les chances d'être retenus, mais il faut
être fair-play, même si l'on est très déçus.
La France avait besoin de cet espoir pour redémarrer. A Colombes,
les JO auraient été un formidable coup d'accélérateur
pour nos projets. Aujourd'hui ces projets existent toujours, nous les
continuerons."
Malgré la consternation, le film réalisé par Luc
Besson pour soutenir la candidature de Paris 2012 est projeté
sur le grand écran. Mais l'heure n'est plus à la convivialité.
Les invités, parmi lesquels figuraient de nombreux journalistes,
des comédiens, des sportifs et des personnalités politiques,
notamment Nicole Guedj, secrétaire d'Etat auprès des victimes,
ont quitté le chapiteau, abandonnant sur la table les mets entamés.
"Je ne le digère pas"
"Je suis arrivé à Colombes en pensant faire la fête
et m'éclater jusqu'à je ne sais pas quelle heure, confie
Michou, figure des nuits montmartroises. J'avais déjà
préparé les bouteilles de champagne. Je repars avec beaucoup
d'amertume et de tristesse. Je me sens comme à l'enterrement
de quelqu'un que j'aimais très fort."
Michel Dhrey, rédacteur en chef au service des sports à
France Télévisions, en tremble encore : "C'est une
injustice complète. Je suis abattu à un point terrible.
Aujourd'hui, les Anglais vont pouvoir nous taper sur l'épaule
en nous disant : Pas de chance... Je ne le digère pas."
Tout est fini. Le rêve est brisé. Il n'y aura pas d'affichage
dans les quartiers de la ville pour inviter les habitants à venir
fêter la victoire dans la soirée sous le chapiteau de la
Bodega. Les invités se dispersent un peu hébétés.
Matthieu Pelloli et Christine Henry