Il est ravi, le ministre Lepeltier : bientôt, en 2015, c'est-à-dire
demain, "nous allons pouvoir retrouver des activités
de loisir telles que se baigner dans nos rivières" !
Et Chirac pourra enfin barboter dans la Seine, comme promis. On y croit
évidemment dur comme fer : Chirac est un écologiste convaincu.
Lepeltier aussi, et il est impensable que des écologistes convaincus
nous mènent en bateau. D'ailleurs le projet de loi sur l'eau
qu'on attend depuis sept ans et que vient de présenter Lepeltier
compte sur la bonne volonté d'autres écologistes convaincus
: les agriculteurs !
Résumons : championne mondiale des pesticides, la France est
championne des eaux pourries. Les trois quarts des rivières sont
bourrées de pesticides. Et la moitié des nappes souterraines
(sans compter la moitié des sols assaisonnés aux nitrates).
Pour ces faits, la Cour européenne a déjà condamné
cinq fois le pays de Super-Ecolo
Evidemment, pour transformer
ses eaux pourries en eau buvable, il faut les dépolluer. Ce à
quoi s'affairent les agences de l'eau. Coût : 2 milliards d'euros
par an
Qui aujourd'hui paie la facture ? Les consommateurs (86%), les industriels
(13%) et
les agriculteurs (1%). En clair : ce sont les pollueurs
qui paient le moins et les pollués qui sont le plus taxés.
Dans le projet Lepeltier, qui paiera ? Les consommateurs (82%), les
industriels (14%) et les agriculteurs (4%). On voit que cette loi marque
un véritable progrès
Sans compter qu'elle comporte
des à-côtés désopilants : les pêcheurs
à la ligne, comme on sait d'affreux pollueurs, seront priés
de mettre la main à la poche et d'acquitter chacun une redevance
de 21 euros
Quant aux agriculteurs, on ne leur demande pas de diminuer leurs aspersions
de pesticides, mais d'accepter un contrôle technique de leurs
pulvérisations. Du coup, la FNSEA, syndicat agricole chiraquien,
est très contente de ce projet : elle le trouve "équilibré".
Merci Super-Ecolo !
Le Canard Enchaîné, mercredi 16 mars 2005