Loi sur l'énergie : tout ça pour ça !


La "grande" loi d'orientation sur l'énergie voulue par Chirac, précédée d'un débat national en 2004 et censée réorienter la politique énergétique de la France pour 30 ans à l'aune des nouveaux défis qui se posent, a tourné... en eau de boudin radioactif.

Lors du vote de cette loi en 2ème lecture à l'Assemblée fin mars, devant un parterre de députés très clairsemé, un regrettable spectacle de conservatisme forcené nous a été offert. Après les traditionnelles grandes déclarations sur l'environnement, la nécessaire maîtrise des consommations (vite oubliées), tout a été orchestré par la majorité pour… surtout ne rien changer : encore du nucléaire, toujours du nucléaire et tout le reste à la poubelle.

Alors que tant de nouvelles idées foisonnent en matière de développement énergétique durable (il n'y a qu'à voir les propositions de l'association NégaWatt), voici une idée de ce triste bilan : un nouveau réacteur nucléaire en France (cadeau de luxe à AREVA), l'éolien assassiné (avec un durcissement des règles qui équivaut à un enterrement du tarif d'achat garanti), la décentralisation énergétique inexistante, la rénovation thermique de l'habitat refusée, les réseaux de chaleur toujours pas favorisés, les transports totalement négligés…

Si "gouverner, c'est prévoir", comme dit l'adage, cette loi fait tout le contraire. Qu'un accident nucléaire majeur se produise demain, et nous ne pourrions rien changer faute d'avoir construit les possibilités d'en sortir. Si demain les catastrophes climatiques s'intensifiaient au point de nous faire crier haro sur le pétrole, nous n'aurions préparé aucune alternative à l'économie du tout camion.

Les ONG de protection de l'environnement, ayant beaucoup travaillé de concert pour insuffler à cette loi un esprit neuf dans un pays sclérosé par ses lobbies nucléaire et pétrolier - rappelons-nous des 100 000 signataires de notre pétition en 2004, des nombreuses contributions envoyées et des rencontres avec les ministres successifs, des nombreux courriers aux députés, etc. - les ONG de protection de l'environnement, disais-je, ont ce matin une terrible gueule de bois...

Edouard Toulouse, responsable énergie au WWF-France, mercredi 30 mars 2005.